Après avoir déposé Joud, ma fille, à l’école, je

Après avoir déposé Joud, ma fille, à l’école, je me suis lancée dans ma marche matinale. Là, je passe devant un magasin qui vend le nécessaire pour le dernier voyage. Comme depuis quelques temps je me pose toujours la question sur mes ressentis du moment, c’était le cas devant ce tas de fleurs, de messages d’amour, et…de cercueils. Une vague de sentiments m’a submergé. Et j’ai commencé le tri, d’abord la révolte devant tant d’intolérance vis-à-vis des personnes peuplant la terre, me disant que la vie est tellement courte pour la gâcher dans des futilités. Ensuite, je me suis arrêtée au sens de la mort. Qu’est-ce que je ressens par rapport à cette traversée à l’autre rive, l’apaisement a fait surface. Une notion s’est imposée à moi, la peur. Pourquoi les gens ont tellement peur de la mort ? Est-ce la peur de l’inconnu ? Est-ce la peur de la séparation ? Est-ce la peur du dernier jugement ? Et ma réflexion s’est arrêtée à ce niveau-là. Vite, vite je pense à mon dictaphone pour lui souffler ce qui se trame dans ma tête. L’action est immédiatement mise de côté vu que tout ce que je ressens est ancré en moi, au plus profond de mon être. Personnellement, et aussi loin que remonte ma mémoire, je n’ai jamais accepté associer la religion à la notion de peur. Et je suis intimement convaincue que c’est ce qui fait la différence entre les êtres. Faire les choses par conviction et non par obligation. La question sur la probabilité de mon athéisme m’a déjà été posée à maintes reprises mais je n’ai jamais essayé de prouver quoique ce soit, parce que j’estime que cela relève de l’intime, de la foi, notre foi en tout ce que nous voulons. Pourquoi dois-je te donner des justificatifs à toi, humain, mon égal. Qui te donne le droit de me juger ? Qui te permet de juger mes actions ? Quand j’entends des musulmans, ici à Bruxelles, refuser de monter l’ascenseur avec des chrétiens parce qu’ils sont impurs, je ne peux que me révolter. Quand je côtoie des chrétiens qui ne veulent pas avoir affaire à des femmes voilées, je ne peux que m’indigner. Quand je passe devant une école juive, et je constate qu’il y a des policiers en mitraillettes qui la gardent pour la « sécurité des enfants », cela ne peut que me désoler. Mais ou est-ce que va le monde ? Où sont les vraies valeurs de notre existence ? L’amour, la paix, la tolérance, la compassion, l’entraide ? Ne nous a-t-on pas appris que la religion est moitié pratique et l’autre moitié c’est notre relation avec l’autre ? Alors si on pratique par peur et on oublie de bien traiter notre prochain, peut-on parler de religion dans ce cas-là ? Je ne pense pas, c’est la conclusion à laquelle je suis arrivée. Quelle que soit ta religion, quelles que soient tes convictions, je te prie de ne pas juger, je te prie d’aimer ton prochain, je te prie d’être tolérant à ce qui ne correspond pas à ta carte de vie, je te prie d’accepter la différence, parce qu’il n’y a pas qu’une vérité, la tienne, il y a aussi celle des autres.

Rihab M.